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Suite et fin des micropoèmes de carnets de voyage.

 

11.

nuit de campagne

vin bosnien

et anecdotes coulent

une goutte nous poursuit

la luciole

 

12.

incognito je me fais

mon camouflage à coups

de fünf und dreißig

 

13.

chauds, chauds les

gamins, chauds

dans le bus blindé

faites qu’ils n’échappent pas

leur fusil en plastique

 

14.

je joue à la marelle :

le paris des autres

où je pose le pied

et mon paris

où je reste en l’air –

 

15.

parler de mon cœur malade

fait peur

aux autres plus qu’à moi

 

16.

connerie d’amour de soi

si on doit l’apprendre c’est qu’on

nous a appris à nous haïr

 

17.

juste au-dessus des nuages

il me réapprend le mot

monadnock

 

18.

autour du monument aux enfants morts

deux garçons bottent un ballon

rose

 

19.

deux mois de voyage

suis-je pareille? différente?

la maison le dira

 

20.

station-service

de retour de serbie

l’urgence de sauver

le chaton de sous les roues

 

 

Dix premiers tableaux du voyage, choisis dans les carnets.

 

1.

japon

victor hugo

objectivité

j’écoute un discours

en turc

 

2.

vieille église orthodoxe

boire un verre de vin

hum

c’est l’heure de la prière

 

3.

quand je serai toute neuve

pourrai-je moi aussi marcher

courbée sous la pluie?

 

4.

parc vrelo bosne

quelques plumes blanches sur l’eau

c’est surement un cygne

 

5.

comme il est mignon

ce chaton qui boit dans une flaque

tout près de la quêteuse!

 

6.

au mémorial de srebrenica

la guide recule

devant le soleil

 

7.

écoles, usines, stades

pour exécutions de masse

qui veut apprendre?

qui veut travailler?

qui veut jouer?

 

8.

sur la route

un chaton mort

un homme mort

pourtant

c’était hier srebrenica

 

9.

la peau des hommes

béton

contre lequel s’appuyer

 

10.

à la strada del vino

on porte

souliers vernis ou gougounes

plusieurs toasts

permettent d’avancer

les rues pour moi parlent féminin
mais Josipa en pointe noire
balance la dalle
et la maršala porte haute
la marque génitive

femmes, objets intégrés dans Paris
une histoire de tasse de thé
à neuf pouces de la tête du chéri
un viol par my big teddy bear
l’apparition féminine sempiternellement
aimée sous vide
un journal 100 % moi

« she gave me a winter coat
as a love gift;
I gave her a long deep French kiss

as a gift »
à pied on peut se rendre jusqu’à Saturne
Uranus au mieux
mais un lapin en peluche est condamné
à un seul selfie dans Téhéran

j’ai mangé à toutes les boites
les chocolats étaient tous ronds
dans l’orbite d’un autre

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et me laissent résoudre une énigme en tableaux qui croisent

des phares bleus, blancs, étoilés sur le boulevard

perron sur la baie, sirène cellulaire abandonné

des gens dorment sur les dangers d’un bateau alors que nous

sommes dans l’angle de résonance des plafonds pentus

/

une vraie famille. personne ne me laisse allumer et lire

un vrai livre. les oublis de champagne, de stylo, de balle de tennis

se perdent en mots vides identiques car d’initiale a

on m’a donné une voix qui ne porte pas jusqu’à charlo

et mon nom n’apparait pas dans les listes où il est

/

pourtant il y a quelque chose comme une appartenance

trainante, un morceau de homard dans une guédille

qui laisse le gout du bonheur à tous. je lis sur sarajevo et c’est là

que mon nerf me scie, je suis dans le mauvais voyage

mais tout résonne si bien pour une anesthésiée

/

la clé de l’énigme tourne dans le beurre

il faut verrouiller de l’intérieur, me laisser dehors

avec les moustiques et les miettes de chips libres

de tomber. le vent révèle la frime que je pigerai :

je pense, donc je suis les traces, je suis les traces.

  

Exercice de style fait pendant un atelier littéraire donné par Hugo Bonneville à mon cégep : ceci est un texte de chanson, hé oui, écrit en 30 minutes.

Couplet 1
Toute la session au fond de mes poches
Un p’tit porteclés tout rouillé
Un p’tit poids plume en temps de rush
Bientôt j’pourrai m’en délester

Couplet 2
Rien dans les poches, broue dans l’toupette
J’aurai des enjambées d’printemps
Aucun souci, j’saut’rai dans’ bouette
Mes souliers voyag’ront dans l’temps

Refrain
Je prends la clé des champs enfin
L’odeur des gares centrales m’enivre
C’est vrai que j’prends toujours un train
Et que l’erre d’aller me délivre

Couplet 3
J’t’enverrai tout plein d’cartes postales
D’villes où j’aurai perdu mes clés
T’inquiète y aura ni peur ni mal
Je reviendrai l’coeur tout doré

Refrain
Je prends la clé des champs enfin
L’odeur des gares centrales m’enivre
C’est vrai que j’prends toujours un train
Et que l’erre d’aller me délivre

(C’était encore plus chouette de l’entendre chantée.)

Le titre est une citation provenant du poème « Vienne » de Nicole Brossard, paru dans le recueil Je m’en vais à Trieste, publié aux Écrits des Forges en 2003.

 
 

je ne suis jamais allée à Trieste

mais j’ai vu bien d’autres villes

au même nom que les vôtres

bien d’autres instants

reconstruits. Le Procès en gondole

sans Venise, sans Prague

 
 

s’est perdu. Qu’est-ce qui du voyage reste

dans le récit des autres? La posture

d’observatrice fine la sensibilité

le temps. Le haïku

se fait plus long, relie

les points morts aux vivants.

 
 

Un bouledogue français au ruban rose

me suit vers les jardins du Luxembourg

malgré la laisse.

Il y a quelque chose de la solidarité

dans la foule de Fifth Avenue

ou du traversier vers Gorée

 
 

un tournis. Devant les ruines

babyloniennes du musée Pergame, deux amies

fomentent un plan pour botter

un pigeon. La juxtaposition

a-t-elle raison

de la chronologie?

 
 

Montréal, salon de thé. Une femme chuchote

ses opinions politiques. Françoise David

a pris le métro,

je vous lisais voyager.

Journée internationale des droits

des femmes trouvent le temps long

 
 

à la porte de quelle ville

allons-nous? Au front

le tour de la terre laisse des traces.

Depuis Prague je n’arrive plus

à respirer, des gens prennent

comme moi et sont heureux

 

 

Je suis de retour. Je ne vous laisserai plus, promis. Comme si les promesses et moi, ça faisait pas deux. Ou trois. Ou plus.

 

Un poème comme ça faisait longtemps, ci-dessous. Un carnet rempli d’un projet. Des dizaines de cartes po disséminées. Et un poème dans Poème sale, allez donc le lire.

 

Le retour comme un bon voyage

 

Poils de chat sur la ville

chute

à travers mes verres sales

je me revois tortue à Budapest

cosmonaute à Brno

en pleine ascension

 

Atterrissage sur pattes

chaleur

mon pyjama sent la cave moite

quel bonheur

d’y avoir été

araignée

 

Ronronnements contre ma gorge

clopes

comme autant de discussions qui éteignent

je nous ressens frencher

tu riais de moi

cochonnet

 

Miaulements au matin

caresses

une migraine comme cadeau de retour

plus aucun vêtement qui vaille

je suis devenue mie

pétrissez-moi

 

ou mieux laissez-moi tranquille

 

Morsure après débat

colère

cet appartement ne contient pas assez

de cartes postales

j’ai un chargement de timbres

déjà envoyés

 

Mottes de poil sur désert

calme

flux et refus d’ondes

contre mes yeux trop pleins

de beauté

et autres tristesses

 

Jouet lancé contre le mur

crisse

pourquoi ne le défonce-t-il pas?

mon poing dans l’air déconne

et tient une poignée d’euros

fort

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Yo! Fait longtemps. Je suis roaming, en itinérance dans les Europes. J’écris donc que des cartes po, parce que c’est chouette, écrire des cartes po sur une terrasse in the sun, especially in Europe.

Voici les instructions de l’opération, rédigées dans l’avion, avec trop peu d’heures de sommeil mais trop d’enthousiasme. Je publierai bientôt un exemple de texte de carte, lorsque celle-ci se sera rendue à son destinataire.

Stay posted!

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Comme plusieurs, j’aimerais avoir le beurre et l’argent du beurre. Ou plutôt, le gout et l’argent du beurre. Car le produit dans mon corps ne m’intéresse pas; seule la saveur m’importe.

(Mais l’odeur du beurre qui reste imprégnée tout autour de ma bouche après le blé d’Inde, je sais pas.)

Le Bi Luo Chun que je bois est tout en beurre. J’y goute les après-midis de fous rires arrosés de P’tit Beurré (en chinois, Dayulin). J’y goute aussi les deux biscuits Petit Beurre qu’on pouvait manger chez grand-maman, avec une salade de fruits en canne – et si on pognait une cerise, le jack pot!

Attendez, je pense que c’était plutôt des Social Thés. L’esprit est un serpent qui se mange la queue, pensai-je en me reversant une tasse.

Le gout du beurre : Montréal, toutes les théières vidées, les fous rires répandus, les crèmes glacées testées, les belles personnes checkées, les danses transées, les cafés-clopes pris sur le coin de la rue en se pensant (plus hot qu’) à Paris.

(Wait… did I just make this last one up? Oh well.)

L’argent du beurre : New York, la vue sur le pont Geo Washington Br, les cerisiers dans le parc, le marché aux puces hip de Brooklyn, les lucioles, toutes ces photos pas encore prises, et même du bon thé, maintenant.

New York, et toutes ses insécurités. New York qui veut apparemment que je reste, lui qui me bombarde d’Arcade Fire et de Bi Luo Chun.

New York, c’est l’argent qui brille sur la table comme un couvercle de théière qui nous renvoie notre sourire. Qui nous rappelle qu’on existe, et qu’on peut donc bouger, aussi. Explorer. Gouter.

Le gout du beurre s’altèrera peut-être un peu – surtout si on le laisse sur le comptoir – mais il restera là, un réconfort un peu tourné à laisser fondre dans sa bouche pour se donner du courage.

To my dear Arman & Mélodie

1.
Cancelled vacation waved like a form
a disease, Montréal-like vibe.

2.
His Copenhagen waved like a flag
a regret, Oslo-night colour.

3.
Their Berlin, vibrant still like a wave
regretted, cemetery days.

Poems written for FormForAll, dVerse Poets Pub. Photos taken at Camellia Sinensis teahouse, and modified with Instagram.