Archives mensuelles de mai, 2011

Écrire, non mais. Mais je ne dis jamais « jamais ». (Peut-être dis-je trop « toujours »?)

Vous inquiétez, j’arrêterai pas d’écrire comme ça. En fait, je n’arrêterai pas de ce pas. Rien à faire, il y a trop de mots en moi, et même plusieurs qui se répètent. Si certains s’épuisent, eh bien j’en apprendrai d’autres, voilà.

C’est seulement le vieux milieu de l’Écriture et de la Littérature qui me pue la poussière au nez. Celui qui ne retient pas ses soupirs lorsque ce qu’il entend dans un colloque ou une lecture ne colle pas avec ce qu’il considère comme littéraire. En fait, pour lui plaire, j’ai l’impression qu’il faudrait imiter les Anciens sans que ça paraisse, en changeant un mot ou deux. Et bien sûr, il s’inclut dans les Anciens.

L’authenticité est pourtant primordiale, à mon sens. Je ne peux qu’écrire que des faussetés quand j’emprunte des mots, mal formés à mes pieds.

Une lecture de poésie m’a mise dans cet état de drame. Le ton général était respectueux, généreux… et jeune, aussi. Mais quelques figures autoritaires étaient là, établies, écrasantes de leur seule présence. (Peut-être mon vin était-il lourd aussi…) L’ambiance était à la critique alors que pour moi, la littérature est un amour des mots, un jeu avec la langue, une échappatoire à la raison.

Suis-je naïve? Sans doute. Suis-je en train de transposer des tensions vécues au Forum sur la création littéraire du Québec? J’en doute… au moins un peu.

Le poète écrit sur papier ou sur écran, se vide le coeur en ouvrant le sac entre lui et ses lecteurs. Bref, même s’il leur vomit dans la face, il se garde une petite gêne de plastique aseptisé. Le poète n’est pas nécessairement à l’aise de déblatérer ses textes à froid; il préfère être lu puis n’être questionné qu’une fois le texte infusé chez l’autre.

Le poète a-t-il envie, en exposant son texte nu, de s’exposer à un mur de soupirs? J’en doute.

J’espère que les murs tomberont en poussière. Que des critiques resteront, mais qui construisent, cette fois.

« Victor Hugo disait que « La forme, c’est  le fond qui remonte à la surface »: intuition fulgurante, car en  manipulant les signifiants, de nouveaux signifiés surgissent pour nous propulser ailleurs. En effet, Ricardou voyait l’histoire comme une conséquence émanant d’un dispositif choisi : le contraire donc d’avoir l’idée d’une histoire et de la disposer sur un support. »

Je cite texto l’article d’@Aurise tellement la reformulation ne peut se faire. Tout est dit, mais pas encore au fond. Je veux brandir comme un drapeau ce bout de texte racommodé et m’en démasquer. 

Voilà : je n’écris rien. Que des mots.

La forme me séduit d’abord; le contenu suit – naturellement – son contenant. J’attire vers moi un plein seau d’argile et l’eau qu’il contient se meut jusqu’à moi – à moins qu’elle ne s’éloigne? 

Une collègue artiste m’a dit, après que je lui ai révélé, la sueur de l’insignifiance et de la grandeur trop tôt présumée au front, que « j’écris », et bien elle m’a dit, puisqu’il faut bien que je finisse cette phrase pour prouver ma maitrise de la ponctuation : « Donc moi (en tant que designer) je m’occupe du contenant, et toi du contenu. » Et moi de lui répondre : « En fait, je n’écris que du contenant. »

Fin de la discussion. L’essentiel PR meurt souvent sans contenu, faute d’avoir eu le temps ou l’occasion de connaitre l’oeuvre autre au préalable. 

Cela me conforte de lire que cette façon d’écrire par amour pur des mots existe ailleurs que chez moi, sur tous mes petits papiers. Une histoire? Peut-être en surgira-t-il une à travers mes divagations. Les champs lexicaux me la serviront sur un plateau, sans doute.

Cette écriture de rien ne donnera ni beste-selleur ni film populaire; sans doute que des images fortes… de rien. Mais je prends le risque et me sauce quand même, les manuscrits et appliances dans un ballot sur ma tête.

Et si vous pensez que je planifie ces postes, eh bien, pensez-le si ça vous chante. Mais l’impro est une conseillère hors perte : rien ne se perd, tout s’écrit devant soi, tout seul, et les liens se tissent. Le sens se calcule de tous ces mots et s’étend, se détend, jusqu’à faire une histoire… qui ne plaira peut-être pas.

J’ai déjà écrit que la fébrilité est un état d’art (« Febrility is a state of art »); j’aurais pu le dire de l’émotivité en général. Et mes touches pour rendre cet art vivant sont les mots, les sons. Le reste, c’est de la parure.

Alourdie dans mon lit, je cherche le soleil. La pluie gicle toujours sur ma ville, de l’autre côté du verre, dans le verre, dans mon ventre.

Le tambourin se fait l’écho de mon coeur plein. Le chocolat a parlé un peu trop fort, et les cigarettes avalées en douce n’ont pu le bruler. Résultat : j’ai l’estomac en friche et la tête en chiffe. Dure. Dure la nuit qui me rend ces heures perdues à dormir.

Le calcul des heures négatives : s’en foutre ou s’en faire? Faire résonner les chiffres dans sa tête. Rien ne fait le poids, sauf moi, qui le fais sans doute toujours plus. Celui que je ne veux pas.

L’insomnie est une arme intranchable. Seul dormir en guérit. On ne se refait pas. 

Entre dormir et résister, mon corps balance sans cesse au bout de mes bras. Il y a la passivité et l’agressivité. Le laisser-aller et le parti pris. L’insondable et le resondé, encore et encore. Le jugé d’avoir pris la voie du jugement. L’impossible satisfaction sans qu’il s’agisse d’une récompense. L’impossible récompense puisque rien ne la vaut.

Je cherche en ma tête d’oreiller un endroit mou, sans rancune, une trace de féminité. Je cherche l’onctuosité d’un amour de soi mais je ne trouve pas.

Il doit être dehors, sous la pluie, à secouer ses plumes.

Je promène mon regard, mon oreille, mon stuff dans un forum sur la création littéraire en cette fin de semaine au tain réfléchi. Hautaine, n’ai-je pas dit, car pour moi le snobisme n’est pas – encore – possible. Seuls l’errance, le louvoiement, le recueil me mènent.

Me mèneront-ils quelque part? Oui, j’en doute, surtout si j’en crois la plaisante en moi, celle qui veut plaire à ceux qui complaisent. Impossible d’avoir une voix qui débouche quelque part si je dois pour cela siphonner des mots autres, des respects et irrespects interchangés, des os déjà pourris.

Ça passe ou ça casse, comme on dit. Fais avaler ou tu te casseras le cou.

Et si aucune n’était une option? Je sais que la création me veut dans son équipe. Je n’ai peut-être rien fait, peut-être tout fait. Ou peut-être pas encore. Mathieu Lippé, en d’autres mots puisqu’il est autre, signalait que la création partait du soi, authentique, vraie. (Je le cite tout croche mais la mémoire et les guillemets me manquent. L’effort se mêle de paresse intello. Bref, ma citation ressemble plus à une plogue.) 

Bref, je suis une piste comme une autre mais commune. Une voie parallèle ou perpendiculaire où je prends mes propres raccourcis j-walkants, glissant du je au jeu en talons hauts rabotants. 

Si j’étais improvisatrice, on m’accuserait de décrochage. J’aime. Ne décroche pas qui veut.

Je vois une chaine devant moi, un espace à improviser, une vie à courir au mot le mot. Voir ce que je n’ai pas fait (encore), c’est voir un néant en couleur, un tube aveuglant. 

C’est voir que ma voix porte conseil, toujours, et ce, malgré les dissensions de peur et d’autre.