Je me sens un peu déconnectée du Japon depuis que je n’y suis plus. À moins que je ne l’aie jamais été. À moins que je n’y aie jamais été.
Mais le Japon m’habite, je n’y peux rien. Surtout quand je l’infuse en moi, l’ingurgite chaque jour. Et je le bois fort, mon Japon; « viril », comme diront certains. Mais je mélange tout : le thé qui colore mes veines n’est pas toujours vert. Et même lorsqu’il l’est, il n’est pas toujours japonais.
Parce qu’avec le Japon, la modération a souvent meilleur gout.
Je lisais ce matin – tout en engouffrant une base de thé vert non identifiée – un article sensé sur les femmes japonaises qui apprivoisent peu à peu la solitude – et sur le Japon qui apprivoise peu à peu la solitude des autres.
Au Japon, on n’est pas le seul à s’ostraciser lorsqu’on le fait : les autres en ajoutent une couche et peuvent nous garder la tête dans cette solitude dans laquelle on s’était – volontairement – plongé. Du moins, c’est ce que je sentais, mais je croyais que la cause de cette ouate de solitude était mon étrangeté.
Pas seulement ça. Mais mon individualisme me vient peut-être de ma culture d’étrang(èr)e, d’alién(ée).
Je devais prendre des pauses de Japon de temps en temps pour cuver. Mon thé à la bouche, j’observais, je m’oubliais tout en sachant que je prenais ainsi soin de moi. Que je prenais assez de recul pour être capable de boire seulement. Et de penser, parfois, dans les trous.
Je prends des pauses de Montréal, aussi, à tous les jours. Des pauses de vie, des poses de vide. Des pleins de thé et d’énergie. Des pleins d’inspiration et d’expiration. Je me suspens un peu.
Je surprends peut-être un peu, ce faisant. Tant pis : la surprise me rendra plus attachante, dans tous les sens.
Et si j’ai pu avoir une influence dans ce mouvement d’acceptation de la femme seule en public – et si heureuse de l’être! – au Japon, tant mieux. Quoique… on a le poids qu’on a.
Bons thés. Bons solos.