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il y a des fois où tout commence par une collision.

et toi tu es de celles-là
-bas, amant des vitesses
shiftées.

il y a des points qu’on n’ose pas mettre
à la fin de chaque mot,
par soupirs
ou par égards pour les pertes
chaque fois qu’on n’ose pas laisser
être.

je savais
comme tu savais
qu’il n’y avait d’espoir
que dans le mot lui-même,
que dans ce mot qui luit
même
dans la slotche des yeux
grafignés.

il y a des nuits où tout finit par une collision,
celle en laquelle tu crois
la retient entre ses doigts,
tiens.

La synesthésie est embarquée dans le bus ce matin, avec Saint-John Perse, et on est partis faire un p’tit tour de jaune et vert sur Beaubien.
Il y avait toutes sortes d’arbres que je ne peux nommer ni encore moins décrire, les yeux plissés derrière mes lunettes en plastique pare-pollen. Tant pis, les poèmes feront la job, moi je ne connais que le monde de béton et de peinture déjà appliquée.
Ce soir je connaitrai celui des astres enchevêtrés. Peut-être deviendrai-je meilleure poète, ainsi bardée de vues téléscopiques et de vin. Peut-être pas. Mais j’ai le sentiment d’un vert sombre de forêt poignante, d’une ombre mouillée sur la pelouse dans laquelle je me trempe les pieds, d’une fontaine luisant sous un soleil lourd.
C’est ce que je me souhaite pour cette année. Ça, et un vent chaud qui sort d’une bouche de métro et qui me siffle un air de jazz. Toujours ce verre de vin.
On est maintenant dans les avenues, mon livre, ma folie des chiffres et moi – carrément « dans » puisque au-dessous du sol, au frais, bien à l’abri des dangereux collégiens en vacances. On se conserve bien ici : la poésie coule comme un miel jaune, les voeux s’envolent comme des grains de pollen neigeux. Il fait frais, il fait réconfortant.
Je ne sais pas où le bus nous a menés. Ce n’est pas le terminus, ici. Je suis encore dedans, et nous roulons dans les parcs bien arrosés. Dommage qu’il n’y ait plus de fleurs roses odorantes, me dis-je, un relent japonais en dedans de l’estomac.
Il y aura du beau, aujourd’hui; mon ventre le sent. Il y aura de la nature en ville, comme toujours. Il y aura d’autres natures, d’autres villes. Et au centre de tout ça, il y aura un livre mûr et moi, encore verte de ne pas savoir pourquoi.

1.
soleil éclatant
mes yeux brulent de voir facebook
converger enfin

2.
la cour intérieure
des papillons volent en groupe
il y a une issue

3.
matin d’insomnie
un masque pour rafraichir
mon visage rougi

4.
au gré de la vie
les itinéraires changent
tout le monde le sait

5.
la terre tourne carré
mon cerveau suit égaré
fenêtre bouchée

6.
je n’ai plus cours mais
je suis livrée à vous tous
mes dignes professeurs

7.
barbecues en feu
le chat qui dort rêve plutôt
de sushis bien frais

Ex -iste
Base ta vie sur tout ce qu’elle a déjà été
tout ce qu’elle t’a promis en te nouant un ruban
au ventre
Devient partisan de ta reconstruction
et de ce que le temps t’a coulé comme carapace
autour

Pers -iste
Reçoit les ordres qui se peuvent
ceux qui te démontent les morceaux lourds de fonte
au fond
Perce tes yeux du rayon le plus blanc
jusqu’à t’en bruler les cônes de ton chemin
autant

être
exister

Passé -iste
Rétrograde jusqu’au centre mou puis clanche
fonds-toi comme une crotte de nez au mur
au palais
Passe outre tes règles de salubrité
celles qui t’enveloppent de ruban plastique
Achtung

sois
existe

Entre haïr et adorer, il n’y a parfois qu’un pas – que dis-je, la largeur d’un pas. À moins qu’il n’y ait la largeur d’une seconde?

Ou encore sa largesse?

Tomas Tranströmer disait se trouver dans « [u]n espace de temps / de quelques minutes de long / de cinquante-huit ans de large » (« Journal de nuit », dans Funeste Gondole, 1996). Plutôt qu’un bassin je me plais à imaginer un puits profond de toutes nos expériences – nous creusons notre vie à coup de dents – et large comme l’instant. Ainsi je bascule la lucidité de Tranströmer et préfère m’emprisonner dans une série de puits du fond desquels la surface n’est peut-être qu’un mirage.

J’exagère. La surface est là, presque tangible puisque je grandis un peu chaque jour – ou encore je refuse de creuser.

De toute façon la hauteur m’a toujours plus plu que la largeur ou la longueur. Ou la langueur, même.

Je divague. Et l’espace est court entre deux puits où poser le pied. Les lignes sont parfois même courbes, les surfaces glissantes. Et si ces instants de lucidité, à tendance optimiste ou pessimiste, étaient ronds, et non anguleux?

Il me semble que je serais bien, au centre d’un cercle aux dimensions du moment. Une bulle confortable où me reposer de toutes ces années passées et à venir, bien calée dans un instant équidistant de tout.

J’ai seulement peur que le recul me rende déséquilibrée. Que je perde le bord.

Que je bascule dans le réel, où rien n’est parfaitement rond ni carré. Où la longueur et la hauteur sont toutes relatives.

Aussi relatives que la lucidité.

« Les si n’existent pas. » « Mais si, ils existent! » « Mais non, on dit ‘Mais oui’, ici. »

Avec des si, on va à Paris, c’est connu. Les Parisiens ne peuvent venir au Québec qu’à coups de oui, toutefois.

Justement, et si si et oui étaient des équivalents parfaits?

Prenons le si qui n’aime pas les -rais, celui-là même que je dessine à la craie chaque fois que je veux faire pouffer mes étudiants. Et si celui-là aussi n’était qu’un appel à la vie qui bat?

À la vie qui se débat…

Avec des si, on va à Paris, oui; en fait, on va n’importe où. (On ira pour vrai, du coup, ayant déjà posé ce mot assez souvent pour pouvoir traverser à gué.) Le si a son pouvoir musical, presque, ce pouvoir de rendre une folie possible l’instant d’une syllabe… Prononcé avec les yeux pétillants du oui, il donne envie de se lancer dans l’espoir à pleines dents.

Même le si du regret a son pouvoir imaginatif : du beau matériel à histoires et à leçons, qu’on y retrouve. Mais si j’arrêtais de regretter, tout simplement… Mais si cela m’empêchait de puiser dans ma douleur passée la lumière glauque qui donne l’élan d’écrire?

Et qui donne l’élan de communiquer…

En primeur, je vous lance mes si les plus fous. On se gâte.

– Si je me lançais dans l’écriture sans retenue, avec confiance en mon talent? Si j’allais montrer mon travail à plus de gens?

– Si j’écrivais plus, tout simplement?

– Si je consacrais un peu de temps chaque jour à un projet d’écriture qui me tient à coeur?

– Si j’organisais une lecture de poésie?

– Si j’arrêtais de voir ma situation financière comme un obstacle, et que je comptais mon argent positivement au lieu de négativement?

– Si j’avais confiance que l’argent viendra en quantité suffisante?

– Si je donnais à plus de gens le gout d’écrire et d’apprendre une langue?

– Réciproquement, si j’ouvrais plus mon coeur et que je me laissais toucher/emporter par les histoires des autres?

– Si j’acceptais mon corps, mon esprit, mon âme comme ils sont?

– Si j’acceptais mes erreurs et que je m’en excusais?

– Si j’aimais librement sans avoir peur de perdre l’autre?

Bref, si j’osais…

Le premier pas est fait. Le vide est là, devant moi. Mais si, au lieu de tomber dedans, je me mettais à sauter d’un nuage à l’autre?

Je flotterais, sans doute. Un peu comme maintenant.

Pas tant, mais ça va vite. La pluie, les jours, les éléments de ma vie se déchainent au même train où les mots s’enchainent en suites de poèmes désarticulés.

On s’accroche en dedans comme en dehors de la voiture, les fesses adhérant à la chaleur qui reste. On lit une pancarte à l’envers comme si c’était une page tournée. On fricote avec l’imprévu, le temporaire, la saute d’humeur.

Comment ne pas aimer cette sphate qu’on ne fait qu’effleurer, symbole de tant de phases et strates de vie aplanies?

Le toit s’ouvrira bientôt au lancement de milliers de pages qui me collent à la peau. Et on roulera toujours, en quête de soleil, de sommeil et de vacances. Jamais l’un sans les trois.

Pendant que la FM rappelle à soi la jeunesse qu’il reste, la vie tonitrue dans la voiture en nage. On y arrivera…

… tout en se faisant doucement berner par le bruit de la vitesse. Étourdi, on ne remarquera pas que son espoir de trophée de course a été emporté par la berline japonaise, indépassable.

Inpensable, mais on s’est fait rouler, tout de même.