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Poème hommage-collage à Yolande Villemaire, fait à partir de plusieurs extraits de ses recueils et lu à la soirée de financement de la Maison de la poésie à la Maison des écrivains le 25 mars 2015, Montréal. Merci énormément à Yolande pour l’invitation.

Je marche dans Montréal en me rappelant une autre ville. New York aussi t’appelle ailleurs, à un autre grand désordre universel : le Tokyo d’avant ma naissance. Le métro aux moues hipstamatic, aux moues de vache sacrée derrière des livres aux glyphes, le métro aux couleurs gênantes est l’endroit parfait pour poser des colles à l’univers.

Dans une autre vie j’hésitais entre être un chat et jeter ma suce à la poubelle. C’est pourquoi j’hésite encore parfois entre la robe froide de sarah bernhardt et la jupe des hyènes. Même si nos villes ne s’épellent pas des mêmes couleurs, je sais qu’elles tiennent à un même fil : des pierres précieuses chauffées, roulées, étirées en correspondances secrètes passées sous l’océan.

L’air large de mon enfance est une tache de thé sur une copie d’élève, une exaltation du ph à marée basse ou des œufs mimosa en coupe. Couleur sur blanc, tout fout le camp. Pourtant tout ça nous forme : limon rosé, arbre gynécologique taggé, cobra-brossard dardé. Nous, jeunes filles, restons rouge debout.

Dans les rues de Montréal, nous tournons : caprice de voyeur. Peut-être que chaque visage vu dans le détour vaut une vie, qui sait? Peut-être que chaque histoire d’amour d’un temps vaut une vie elle aussi? Surement, en fait, que les voyages ne sont que des shutters qui claquent juste assez fort pour découper un petit bout de nous, chaque fois qu’on s’exclame.

Le titre est une citation provenant du poème « Vienne » de Nicole Brossard, paru dans le recueil Je m’en vais à Trieste, publié aux Écrits des Forges en 2003.

 
 

je ne suis jamais allée à Trieste

mais j’ai vu bien d’autres villes

au même nom que les vôtres

bien d’autres instants

reconstruits. Le Procès en gondole

sans Venise, sans Prague

 
 

s’est perdu. Qu’est-ce qui du voyage reste

dans le récit des autres? La posture

d’observatrice fine la sensibilité

le temps. Le haïku

se fait plus long, relie

les points morts aux vivants.

 
 

Un bouledogue français au ruban rose

me suit vers les jardins du Luxembourg

malgré la laisse.

Il y a quelque chose de la solidarité

dans la foule de Fifth Avenue

ou du traversier vers Gorée

 
 

un tournis. Devant les ruines

babyloniennes du musée Pergame, deux amies

fomentent un plan pour botter

un pigeon. La juxtaposition

a-t-elle raison

de la chronologie?

 
 

Montréal, salon de thé. Une femme chuchote

ses opinions politiques. Françoise David

a pris le métro,

je vous lisais voyager.

Journée internationale des droits

des femmes trouvent le temps long

 
 

à la porte de quelle ville

allons-nous? Au front

le tour de la terre laisse des traces.

Depuis Prague je n’arrive plus

à respirer, des gens prennent

comme moi et sont heureux