Archives mensuelles de octobre, 2011

Cette nuit sinistre me porte des idées macabres et, surtout, le courage de remplir un défi. Geneviève Gauthier m’en a envoyé un pas piqué des vers : « un poème en prose qui glace le sang et traumatise les enfants, bref quelque chose de spooky, pour que ton lecteur ait peur ». Aie peur, lecteur, aie peur pour que je n’aie pas à recommencer ce défi inquiétant. Et nourris-moi de défis aussi, pas de gummies.

Go.

Tu m’enlèves les vers de la bouche mais ne les pose pas dans ce poème. Tu les apprêtes les mets dans les sacs d’enfants grouillants, les laisse ramper à travers les vêtements provisoires jusqu’au profond des peaux énervées.
Les vers jouent une décomposition de leur cru. De chair en chère ils se régalent laissant les cris de douleur se mêler aux rires des sorcières mécaniques et aux trucs de traite d’enfants.
Roulent les cris des gueules les vers des tombes les corps muets sur le sol mou comme une poche. Autour des orbites roule le noir de l’appréhension de l’incompréhension de la consternation.
Une constellation d’enfants abandonnés s’étale sur le givre qui s’attaque aux vers les mord mais trop tard.
Tu passes devant de nouvelles décorations d’Halloween les juge réalistes te dis : « C’est fou ce qu’un simple poème peut faire. »

Et ce doigt, je le franchirai allègrement ici. Dans le lait 3.25 crémant mon café, je plonge un doigt déformé par l’écriture papier et un autre par l’ustensile japonais.

Qu’y trouvai-je en compensation du doigt de lait perdu? L’envie de me défier, de me méfier de mes écritures en boîtes et entassées, de confier un mot trop utilisé autrefois au vent qui passe. L’envie de sortir de mes gonds. (C’est peut-être le café, quoi. Largement réintroduit dans mon corps, massivement réapprécié.)

Voici donc le deal, my dears : mettez-moi au défi, challengez-moi, je veux de la consigne, et peu de conserve. Comme les Défis Ducharme le font – ou pas, puisque je cherche à être déstabilisée, l’ai-je déjà mentionné? (Si oui, la part peur de moi l’a oublié.)

Le marathon de pouèmes fut trop court; je cherche à me faire dire quoi faire puis à l’écrire.

Vous voyez, j’ai même plus de mots; cette poste commençait bien, pourtant. C’est votre faute, toutefois; voyez, même le « ne » y est plus, déjà.

Jetez-moi commandes en commentaires ou tweets (@meme_aimee). J’en ai déjà une, d’ailleurs (merci @cvoyerleger) : faire rimer « cyprine » et « supprime ». Ou « surprime », selon la façon dont je corrige ma bourde de normative refoulée.

Difficile parce que ça rime pas
La rime restera interne parce que
Les mots qui sortent qui refluent
Remoulent une féminité en pierre

Les relents resteront entiers
Citrine ou cyprine ou autre
La poésie restera externe
Alterne ou supprime ou autre
Contrôle
Ou autre

La rime restera pauvre parce que
Les fins de ligne sont dures
Les fins de comptes
Les fins de courbes
Difficiles.

I am looking for the word spilled on the street, yes, the same you dropped by on your way to the fall.

I may be inspired by Interpol. Gloomy music composes the thread of my days, the threat to my ways. It’s like saying, or rather singing to the wind, « Never stop whirling these things in my head. Never top my head with heatwaves anymore.

Fill me with nature filtered through town. »

My heart is heavy, but how could it be otherwise? How could I want it light when even winds are strong and deep? When the ground’s dirt is being lifted up, and transported to my heart altogether?

Could I just want it that way, and never complain anymore? Could I just accept the dirt for being dirty, the filth for being filthy, the shit for being all the same?

I might be insane, as you might say. (That leaves us with « being sane » as the most probable thing that could happen to me.) But I might just as well be fond of dark paths and scary parts, mad cats and weary naps.

You never know, I might be a diver too. Or a pioneer, if it does matter. And I’m gonna sing it up to the moon, as another tiring autumn day vanishes blankly in the crisp air.

Vous vous rappelez cette mode de mettre « attitude » après n’importe quel nom-anglais-utilisé-comme-adjectif, mode lancée en France, là où c’est tellement plus trendy d’afficher que t’es hype dans une langue – pas la tienne?

(Sans rancune, les Français, je vous aime, même les Parisiens. Surtout les Parisiens, en fait, depuis que j’y ai habité et fait du vélib’ avec un verre dans le nez.)

Ben moi, non seulement j’me la rappelle pas, mais j’me rappelle pas non plus ce que je disais deux paragraphes passés. J’me rappelle pas, j’me soule. 

Je me soule quand la vie me soule pas assez. Quand elle m’envoie pas assez de notes, de groove, au nez. Quand elle me retape sans cesse les mêmes films travaillés au Instagram, les mêmes Chardonnay extra beurre.

Un verre à la terrasse des Cavistes.

Me semble qu’y avait ni Earlybird ni beurre dans la recette d’origine. M’enfin. La version instagramée existe toujours.

Pourquoi le vin me rend-il instantanément nostalgique? Il me rappelle Paris, sans doute. Celui des pires bouteilles à deux euros, celui de l’insouciance, celui des sourires sur les photos.

Mais aussi, à bien y penser (autant que cela m’est possible avec ces bubulles envahissant les neurones restant), le Paris d’une détresse certaine, d’une certaine amertume. 

Tant pis : on prendra du blanc, question d’éviter l’astringence. Du coup. (Je suis pas arrivée à le placer dans la phrase celui-là. Je l’ai mis à l’extérieur, question que vous ne puissiez l’ignorer. Paris abhorre l’indifférence, en même temps qu’elle la cultive.)

Et si la nostalgie était acide, comme un traitement argentique qui fixait dans le temps, comme une lime qui figeait dans les dents? 

Cette douce mélancolie que je traine est peut-être celle de la poète. Celle qui se traine d’un café à l’autre pour un verre de sancerre, une clope, un booking. Cette mélancolie, j’apprends à l’apprivoiser, à lui laisser prendre l’air et déverser ses flaveurs. 

Si je ne me rappelle plus le propos de ce texte, je me rappelle toutefois que je disais déjà, au début du secondaire, que j’étais dans un « trip mélancolie ».

C’est presque de la millencollin attitude. Sad air. 

Avec un titre pompeux comme celui-ci, vous vous doutez bien que je partirai sur une dérape lourde, voire spirituelle.

Détrompez-vous : je ne parlerai ici que de pommes. Pas de pépins, mais de chair juteuse à souhait, de visages souriant sur sur des photos, de répétitions voulues des automnes. Du constant retour de l’inconscience et du réveil. Du temps qui nous fracasse de pluie puis de soleil, de mitaines de laine puis de sourires maison, d’yeux collés dans toute la noirceur puis de rires décollant dans toutes les langues.

Parfois, le temps va à l’envers, cependant. Mais il revient toujours.

Le craquant de la pomme itou. En tout cas, à en croire le poids du sac sur mes épaules, il reviendra assez longtemps. Juste assez doucement pour moi, juste assez surement pour toi.

Un jour, dans un champ, j’ai laissé chanter l’automne à travers les gens. Aucune réflexion, que du reflet : tout le monde brillait par sa présence, formant une mosaïque d’éclaircies et d’éclats de fruits. Pas de mélancolie mal placée; les bêtes ne me l’auraient pas permis.

Qui aurait cru que tant de partages, de dégustations, de grignotage puissent m’alléger au lieu de m’enfoncer? Pas moi. Je n’avais vu que le premier degré des ficelles qui tirent les branches vers le bas, et non les pommes qui en tombent en mannes. Sur nos têtes trop lourdes, même. Une correction flagrante. Une chute pour ce texte.

Nous aurons même eu des prunes, et des bonnes poires, au cours de cette journée. L’automne m’a rappelé ses bienfaits, qui se déclinent certes en de nombreuses saveurs, mais qui me soufflent par-dessus tout au visage la certitude qu’il y en aura d’autres.

Et, au fond de l’air, je trouve un quelque chose du Japon de l’automne dernier, du Japon du départ et des désillusions. Mais surtout, je me plais à y sentir la vaste impression du Montréal du retour, et des pommes qu’on y croque sans gêne.