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Pour elle rien n’était plus beau que le blanc des os et le rien entre.
La vertu s’alignait sur son squelette vierge d’encres et de détours.
Elle avait tenté de se départir de tout, même du dé dans partir.
L’équilibre était fragile parce que l’équilibre était l’extrême.
Le moindre point sombre lancé dans l’espace la rendait muette.

C’est-à-dire qu’il la rendait sublimée, pure en comparaison.
Le mot ne s’échappait pas qui voulait de sa cage de dents.
Elle s’étendait par terre telle une page vide au comble.
Elle vivait l’extase dans la rétention de son pinceau.
Car elle était calligraphe, car elle ne l’était pas.

Écrire c’est souiller, disait-elle en le regrettant.
Et les mots tombaient, tranchants, dans l’abime.
Énorme, infecte, horrible, laide, belle, même.
Le coeur des choses ne peut pas être décrit!
(faisait-elle crier aux nuages de sa tête)

Le coeur des choses est découpé à blanc.
Son contour est noir, mais hors-champ.
Debout elle jette une ombre presque.
Des lueurs se forment à sa cornée.
Sous sa peau rien ne la retient.

Les points s’égrènent, et elle
Dans son regard seul le vide

Une heure de gagnée, une heure de perdue à écrire ce que j’aurais pu en faire.

Une heure de rêves gras, enrobés du coco encore pris entre les dents.

Une heure de dent contre les chroniqueurs démagogues et leur perte de temps à écrire sur l’heure gagnée.

Une heure de cernage de journaux gourmands à la couleur café.

Une heure de pistonnage de fruit, pas de chocolat non merci, monsieur est allergique.

Une heure de flattage de chat contre une heure d’écorchage de cuisse à travers le skinny trop froid.

Une heure de gelage sous un soleil trop froid, trop concentré dans ses faux verres.

Une heure d’arrière-gout dans le fond d’une tasse électrique.

Une heure de musique de démembrage alors qu’on est clairement assise en indien dans le divan.

Une heure où rien ne bouge, même la poésie qui ne sait quoi faire de soi.

Une heure élastique, où on peut être son personnage du dimanche.

Une heure dans la ville du regret du conformisme, où l’on se trempe pourtant aisément.

Une heure d’expérimentation d’une tête à rebours. Laquelle?

Et ça continue. On est dure ou on ne l’est pas. Voici un moment de dureté étalé spécialement pour vous.

 » Ou peut-être suis-je une Japonaise folle? Les nouvelles me rassurent : aucune grande femme brune n’a torturé ni molesté personne. Ni entraîné personne avec elle par-dessus la rambarde.

J’aimerais pourtant disparaitre, parfois. Mais avec fracas et glamour… Fondre sous les yeux des projecteurs. Être scandaleusement mince, même pour une Japonaise. Comme avant, quand j’étais belle et inaccessible.

Enfin, j’y touche, à ce Japon paradisiaque comme un magazine glacé. Vite, avant qu’il ne me glisse entre les doigts…

Le Japon m’a rendue remarquable. Il m’a prouvé, par la force des choses, que la minceur coïncidait avec la beauté. Que j’étais extraordinaire. Que j’étais forte. Que j’étais assez forte, en fait, pour n’avoir besoin – ni même envie – d’un homme. Car malheureusement, le Japon me fournissait les regards mais pas les mains. Ni même les bouches.

Mais de toute façon, qui a besoin de l’attention d’une seule personne alors que le monde entier l’adule – ou l’adulerait, du moins, s’il la rencontrait?

Cependant, j’allais de perte en perte. J’avais fait un tas de gras dans un coin de ma chambre, auquel je ne devais toucher en aucun cas. Un tas de larmes, aussi, à côté, de sorte que mon corps sec et dur craquelait au froid.

Mais qu’est-ce que perdre à côté de gagner? Un frêle squelette inutile. Une perte totale. Comme moi. Comme celle que tu ramasses d’un air victorieux. »

À suivre, ou pas.

Suite. Attention, ça brasse.

« Tous ces détours pour ne rien dire. Tous ces pas pour n’aller nulle part.

Un flash en plein milieu de la nuit. Un flash qui irradie si fort qu’il me fait mal. Et de la douleur ne peut naître que la plainte véritable. Car elle cherche à se faire entendre, cette douleur, peu importe le moyen.

Le problème, c’est qu’elle croit trop en moi. Elle se fait petite, se recroqueville dans le coin d’un muscle, pleine de confiance que je vais la remarquer, la prendre dans mes bras et nous bercer ensemble. Mais non. Le monde est là, sans aucune chaise berçante libre. Il m’offre plutôt des mouvements brusques, des sensations fortes. Une arcade assourdissante où toutes les machines m’adressent la parole, et où toutes les couleurs se précipitent dans mes pupilles immenses. J’ai deux trous noirs à la place des yeux. Rien de bien exceptionnel.

La douleur de pouvait plus endurer mon atonie. Elle m’a projetée par terre, tout d’un coup, en criant : « Gare à toi ! » Mais j’étais déjà écorchée, un tas de larmes et de sang indifférenciés. J’avais fait une chute de dix étages par-delà la rambarde de ma chambre. Et après la remontée, rien ne serait plus pareil.

La douleur aurait pu me projeter contre le mur de ma chambre, et me faire rebondir à l’infini dans son enceinte. Mais non, elle préfère le drame à la disparition. Elle ne veut pas que je sois japonaise. »

Suite bientôt.

J’ai envie de vous partager un texte que j’ai écrit alors que j’étais encore au Japon. Question de mélanger les inattentifs. Question de croire que j’y suis encore. Question de remplir du blanc de blogue avec du recyclage de textes. Question d’avoir l’air prolifique.

Ce texte étant plus long que d’ordinaire, je vais le publier en plusieurs coups pour ne pas vous écoeurer. Voici.

« Ah, le Japon. L’exotisme, l’incompréhension, le hors-de-soi. La fonte.

Le japonais a beaucoup de mots : mots sucrés criés de tous les comptoirs des cafés, mots englués dans les pages du Japanese Language Proficiency Test, mots qui collent tous invariablement à la même traduction anglaise ou française. J’avais envie de posséder tous ces mots, comme si le seul fait de les prononcer me ferait apparaître des réalités toutes neuves. Bien sûr, ils l’ont fait, parfois. Mais trop souvent, ils n’ont réussi qu’à me toquer et à me donner envie de vomir. Des mots, évidemment. Je ne peux vomir rien d’autre.

Parce que mon histoire d’amour-haine avec le Japon court main dans la main avec celle qui sévit entre la bouffe et moi. Une longue course à obstacles où excès succèdent forcément à effacements. Le Japon sera toujours là, la bouffe aussi. Que cela me plaise ou non.

Je voudrais être capable de commencer par le début, par mes yeux de jeune fille émerveillée, par le retour au point zéro qui devrait suivre tout bon foreshadowing, par les débuts et non les fins de parenthèses, mais je n’y arrive pas. Veuillez donc pardonner, je vous en conjure, chers lecteurs, le fil inconducteur de mes propos. Il finira bien par nous mener quelque part, j’ai confiance, si vous ne l’avez pas. »

Suite la semaine prochaine, où lorsque ça me chantera.