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Le premier jour de l’hiver, j’ai eu une tempête.

Quand je me suis réveillée, l’appartement était tout blanc et froid. Le bonhomme de neige à mes côtés avait été éparpillé au vent. Mon corps était sans marque, comme par magie. Mais ma tête était dans un blizzard terrible.

Je me suis levée, enroulée de flanellette, et j’ai mis mes mitaines rouges d’enfant. J’ai déterré Ce Chat, qui s’était creusé un fort sous la couette. Il y avait des glaçons de pris dans ses moustaches, mais il était intact, c’est-à-dire miaulant. Sa plainte se perdait dans le vent.

J’entendais un crépitement de radio dans mes oreilles piquantes : travail… fermé… aujourd’hui… maison… dodo. Mais mon appartement enneigé, je devais trouver mon cocon ailleurs, à l’extérieur, le temps de laisser fondre tout ça. Braver le froid qui déchire et met à nu. Perdre mes pensées une à une au rythme de mes orteils. Trouver une sorte de paix dans la grisaille miroir pour pouvoir mieux affronter le blanc perçant, ici, en dedans.

Aller voir ailleurs où je suis.

J’étais dans le bus, surchauffée. J’étais dans un café, branchée. J’étais dans une salle de spectacle, bondée de bonshommes sans neige. J’étais dans une pizzeria, cassée. J’étais sur le trottoir, errée. J’étais dans un salon de thé, noyée. J’étais dans un bar, empêtrée. J’étais dans le métro, trouvée.

Oui, j’étais là, dans le métro. C’était bien moi que tu as vue derrière la vitre plastique, celle sur laquelle j’ai cogné de ma mitaine rouge. Oui, cogner m’a réveillée. Oui, tu m’as souri, tu m’avais reconnue. Oui, je m’en allais chez moi.

La tempête s’était calmée. J’avais eu une tempête.

Je suis rentrée dans mon appartement nickel. La neige avait fondu avec le chauffage au fond. Il restait des flaques d’eau que Ce Chat léchait avec application. J’ai enlevé mon manteau et mes mitaines rouges pour poser mes doigts et mes cuisses aussi rouges dans les couvertures. Mes vêtements avaient été gris. Tout le reste de mon corps était blanc. Tout le reste de mon corps n’était pas de glace.

Le premier jour de l’hiver, il y a eu une tempête.

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Here are a few more (see yesterday’s post) micropoems (haiku… or most probably senryu) in French. Tonight, at dVerse Poets Pub, we are allowed (even encouraged!) to write in another language than English. I then decided to write in my first language, French… and added a few Japanese words to them.

(I guess I should record myself reading them out loud like… right now and join the file, so that you can at least hear the sound of them. Sorry I didn’t provide an English translation this time.)

My reading out loud (open in a new tab)

Voici :

1.
Dans la ruelle
derrière le bar
l’odeur des croissants

2.
Ce monde
toujours plus blanc
il neige

3.
Deux adolescents
se racontent
leurs voyages imaginaires

4.
Le chawan* de mes rêves
imparfait
trop cher

5.
Lecture de haiku
au salon de thé :
issa nomi**

6.
Soir de tempête
les néons du cinéma
ciel orangé

7.
Sous la lune
impossible de mentir :
je suis une femme

8.
Il y eut une neige
il y eut une pleine lune
superpositions

9.
La théière vidée
puis remplie
un autre invité

10.
Dans l’arbre gelé
les pépiements redoublent
aware ari***

11.
Gomme balloune
qui attrape la langue
couleur de pantalon

* A chawan is a bowl made especially for tea-drinking.

** Issa is/was a haiku master. His nickname literally means ‘one tea’, ‘one cup of tea’. The noun nomi means ‘drinking’.

*** Aware is a feeling of compassion, or sensitivity to the ephemeral nature of things. I thought it interesting that it writes the same as the English word aware. (Ari simply means that it’s there.)

Ai délaissé le blogue, trop de moments, trop de vie, peut-être. En ai capturé quelques-uns – les voici.

1.
Raquette en solo
je reprends mon souffle et vois
mes poumons dans l’arbre

(J’aurais donc dû prendre une photo de ces poumons de neige… Le lendemain, ils n’étaient évidemment plus là, emportés par le souffle de la tempête.)

2.
Dans l’instant présent
un seul battement; il n’y a
aucune arythmie possible.

3.
C’est facile, la vie :
qu’une seconde
à traverser

(N’est-ce pas?)

4.
La lune
reflet de ma beauté
satori

(d’il y a trop longtemps)

5.
Raquettes sur la neige
crissement
silence
crissement
immobilité

6.
De sous le four
deux sursauts
deux cris
la souris
bourrée d’herbe à chat

7.
Fragments de vie :
rien ne se perd,
tout s’écrit.

(Me semble que je l’avais déjà fait, celui-là. Bon, il était vrai dans ce moment-là aussi, ok?)

8.
Un jeu de Tetris
que je laisse aller :
les évènements s’empilent.

9. Ichigo, ichie :
une fraise,
une rencontre.

(Ça va du moins au plus absurde. Ou du plus au moins sain…)

chouette_lune

Winter has started at last, and so has my life, or so it seems.

November had stretched and stretched for too long – hibernation had to end. And the child heart had to come back – the one that’s pushing colleagues in the snow, jumping over snow benches, not caring about borrowing phrases from one language to another, not caring about anything at all, in a way.

The weight of the snow is slowing me down when I’m walking, leaving me more time for a few reflections. A few dances, too, hidden under pretended slips on the coat of ice.

Winter has reminded me that I was happy. Winter has reminded me that I could choose my happiness. That I had to choose it, somehow.

What does that mean? I need to say yes to what makes my heart pump. I know I need both extremes to live; I’d already come to that conclusion earlier. Today, it meant dream through two extra hours of sleep – sip through a latte made by loving hands – stumble upon great poetry I don’t understand and love the fact that I don’t understand it – and later, go dancing in the snow, under starry and city lights.

But I’m not only saying yes to the weekends. I say yes to the purpose I’ve had for a year full-time now: My job as a French teacher, and the numerous connections revolving around it. My life is not about looking perfectly white and brilliant in front of a blackboard; It’s about giving whatever I have – knowledge, patience, empathy, encouragement – to students and see them move forward. (Even see them cut through a snow bench sometimes.)

Thanks to Sui Solitaire and her book the thing about thin for that smooth reminder. (A book review coming up on this blog!)

It may all be about jumping out from oneself and see things differently. For my part, I’ll step into the snow, where the cold bites… and brings back to life.

Maybe I was just meant to make angels. I’ll make mine, and then help a couple angels make themselves.

Let’s help each other, OK?