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ça prend une mer de monde
pour élever un enfant
et un estuaire de savoirs
pour qu’il puisse en repêcher
tous les noms

tout ça pour ça
aptement nommer
ses cellules
jusqu’à la fin

ce qui se construit de neuf
se creuse
entonnoir cerné
à lunettes

il réalise qu’il est autant la femme
que l’homme, autant
le nom de ses amis que celui
qu’il porte, autant

d’arbres en dimensions
multiples accrocs aux habits
de celles des arbres environnants
les filets s’enchevêtrent
les oiseaux veulent remonter

tout ça pour être
pas plus unique
un oiseau étouffé
tombé pas loin

le cri des cellules
est un écho
de pages graissées
par des étrangers

tout ça pour ça
cesser de driller
sa tête un instant
sortir dans l’histoire

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Photo : Street art par Roc514 dans le Vieux Montréal

un coin de terre du bas-saint-laurent logé au coeur de la main droite
ma ligne de vie pointe et pique
les racines à l’air
sombre des ancêtres
je surnage sur le cul en plein bois glauque lichen
main dans la main dans un plaster
je suis infiniment plus bien que je pensais ici
mais en même temps moins bien que je le laissais croire

les phoques ne se seront pas pointés pour me saluer
seul un faon égaré reviendra nous voir
une langue de sable
pour les animaux marins
je compte les goélands les cris de frédéric par jour
retour dans le sentier du retour
ce n’est pas moi qui passe le plus aperçu ici
mais je ne suis pas non plus la meilleure camoufleuse

une volée de cartes à la main les meilleures de la table
je tire je pointe le coeur à l’air
les ongles plus jamais impec
une fois attelés
je ne sais plus qui gagne je suis dans le vin ou dans le flow
impossible à vérifier l’impossible
j’ai déjà plus de blessures qu’en arrivant
mais je m’en fous plus que je ne le laisse voir

certaines choses comme chez nous tes yeux denses ma blouse de cerfs
une rose des thés à la main
les pétales en couronne
de crevettes rose bonbon
d’autres comme chez moi avant que je me refasse
la peur en surplus de la peur
mais il m’aura fallu l’éloignement pour qu’enfin je
trouve comment me fondre dans le paysage.

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De retour à la mer et aux terres d’origine, je me sens rafraichie. Deux jours de retraite en pleine civilisation trop connue mais à redécouvrir.
Premier arrêt : moi. Je revêts d’anciennes froques et des murs d’antan, et pourtant, rien n’est là que je reconnais. Le spleen pèse léger cette fois, et j’en suis fort aise.
Jadis, et même pas tant, le vent me battait du large au long, m’envoyant toutes sortes de culpabilités, de stress, de nombrilismes en tête. Aujourd’hui, l’air s’est tu et s’est mis au soleil. Le contrôle ne me sort plus par les narines. Le vent se pointerait que je me laisserais pogner dedans, enfin.
Les deux pieds sur terre, enfin? Je n’irais pas jusque-là, j’ai déjà fait ma part de route hier. Mais ça fait du bien de ne pas être alourdie de la peur d’un passé sans relâche.
J’ai un vide en dedans, qui ne m’effraie ni m’émeut.
(Ou alors si peu. Sinon cet article ne serait.)
Si grandir n’était ni se construire ni se détruire? S’il n’y avait que ça?
Devant mon sencha plus grillé que la mer, devant le sel sur mes lèvres, devant les absences et les présences, je tape des mots qui n’ont pas à se justifier. Je m’étale devant et je vis, sûre d’être déjà moi, Aimée.
Et dire que c’est là que tout a commencé.