Archives mensuelles de novembre, 2011

La vie s’opère comme un tri. Les angles s’estompent; les gros morceaux immangeables restent dans le tamis, et les doux flocons m’aspergent. Encore faut-il que je les voie à travers la brume…

Il y a de ces jours comme aujourd’hui, des dimanches pour la plupart, où le recul se fait tout seul, parce que tout ce qui est dû n’est pas du travail, et que les cadres sont de nouveaux lieux.

Les vents m’ont repoussée à Montréal après l’écueil japonais. Mon retour fêtera son premier anniversaire en janvier; mon malêtre a déjà fêté le sien. Mais au lieu des larmes, c’est le rire, cristallin comme un verre de vin blanc, qui coule : depuis mon retour, que d’amitiés et de relations de travail riches.

Et des Japonais. Beaucoup de Japonais. Je les appelle secrètement « mes Japonais »; ils (en majorité elles) sont tous, sans exception, ces Japonais que j’aime, ceux qui ont une fibre d’érable au coeur, une passion de décrire la neige en français, un souffle de curiosité bon enfant qui tient chaud.

Qu’ils soient venus au Québec ou ailleurs m’importe peu; ce que j’aime, c’est qu’ils soient venus. Et qu’ils insufflent dans ce qu’ils font cet esprit communautaire qui les caractérise, tout en le faisant de manière inclusive.

Il est beau de voir tous ces couples canadonippons qui se complètent et se comprennent. Il est beau de voir des Japonais regarder mon recueil de poésie et de (pseudo)calligraphies, et montrer un intérêt authentique envers ce détournement d’art traditionnel. Il est beau de voir ces Japonais artistes qui plongent : Ken, qui dispose dans un mobile des grues et des boites pliées dans une toile aérienne ; Tatsuko, qui allie branches de sapin dorées et boules aux motifs de vagues japonaises sur des cartes de Noël.

Et les collègues aussi, et les étudiants. Surtout les collègues et les étudiants. Ce sont eux qui poussent et tirent la marée à l’école, et qui le font d’un grand rire franc.

Car après tout, les Japonais savent que les petits sourires, même accumulés, peuvent passer dans les trous du tamis. Et si le Japon est un gros morceau pour moi, mes Japonais de Montréal s’affairent à me le découper en petits morceaux tout à fait digestes.

Sa vie : un amas de chiffres qui manquent. Une éternelle soustraction, à laquelle ne résistent même pas les ratures dans sa to-do list. Tout doux à son oreille son oeil, le son de sa vie. Car les ellipses ne cachent trop souvent que ses fuites paralysées dans le rien.

Dans le vent, ses fiertés écourtées. Dans le ventre, ses peurs éparpillées. Dans le sang, ses rêves émerveillés.

Elle égrène ses verbes un à un dans son verre de vin, revivant le creux qui se trouve devant ses pieds. Ce creux, elle le connait bien pour l’avoir vécu dans toutes ses aspérités; à dire vrai, elle le redépose dans toute sa splendeur devant chaque matin, pleine d’espoir de revivre la même chose.

Sa vie est un trou en forme de spirale. Un entonnoir qui n’avance pas, comme tous les entonnoirs. La radio qui s’éteint en plein milieu d’une chanson. Un ver condamné à se répéter et à tourner en rond.

Rond, comme un zéro. Bleu. Blanc. Les couleurs du néant, de l’anéantie. Pour elle les chiffres ont chacun leur couleur, et ce, depuis la nuit de ses temps. Ainsi va le monde, pense-t-elle, s’additionnant de toutes les couleurs jusqu’à ce que quelqu’un appuie sur la touche Delete. Ce quelqu’un, ce pourrait être elle, ce pourrait être son chat. Ce pourrait être la personne qui ne se manifeste pas, qui ne disparait pas dans son trou à sa place.

Chaque soir, avant de s’évanouir sous sa couette, elle fait le décompte de sa journée : elle énumère les choses qu’elle n’a pas faites puis, après en avoir conclu à son inexistence, elle se fond dans le sommeil.

Jusqu’à ce qu’un parfum de manque l’attire hors de ses gonds. Saisissant son carnet de rêves, elle le remplit de tâches multicolores, vidant par le fait même ses stylos et son potentiel.

Un jour fera-t-elle peut-être table rase, et sa rage enverra alors valser toutes les couleurs qu’il lui reste.

Tonight I needed to start on a quote (Interpol, Memory Serves). Memory serves me, and I’ll wait to find if it serves you too.

I don’t know how my soul is served when I drench it back with the Sea of Japan, my own see of Japan, that is to say a cover. A crossover. A mix of filling music, and quenching readings. Quenching livings.

My stay was a whole lack of words.

Now I’m listening to its echo, glistening echo. And as I somehow feel it has come to a halt, I remember again, buckling up all these wineful tears. A bucketful of these.

Music serves me: It triggers a reaction in my soul, the same as I used to have. A reaction in my soul, the same as I used to. Have. An unused word.

A little more wine. A little more food. All the same, you fool. Me fool.

The bucket is not full to the rim yet. Try it on, cry a little faster, cry a little further, down to a place where there’s nowhere to stay.

How can a music crave its way so hard to my heart? How can I love so deep that a whole country in me shakes? How can sounds can move my body to a place it doesn’t belong to at all? How… can you love this shakiness in me?

How can I still be chasing my damage at the same tunes?

Maybe because it raised me.

Une heure de gagnée, une heure de perdue à écrire ce que j’aurais pu en faire.

Une heure de rêves gras, enrobés du coco encore pris entre les dents.

Une heure de dent contre les chroniqueurs démagogues et leur perte de temps à écrire sur l’heure gagnée.

Une heure de cernage de journaux gourmands à la couleur café.

Une heure de pistonnage de fruit, pas de chocolat non merci, monsieur est allergique.

Une heure de flattage de chat contre une heure d’écorchage de cuisse à travers le skinny trop froid.

Une heure de gelage sous un soleil trop froid, trop concentré dans ses faux verres.

Une heure d’arrière-gout dans le fond d’une tasse électrique.

Une heure de musique de démembrage alors qu’on est clairement assise en indien dans le divan.

Une heure où rien ne bouge, même la poésie qui ne sait quoi faire de soi.

Une heure élastique, où on peut être son personnage du dimanche.

Une heure dans la ville du regret du conformisme, où l’on se trempe pourtant aisément.

Une heure d’expérimentation d’une tête à rebours. Laquelle?