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Il y a des jours comme ça où mon coeur se meut mais que moi je veux juste me lover. Lui il fait boum boum boum mais juste par en dedans par exemple. Ça sonne dur, surtout quand il se pitche de tous bords tous côtés, arrachant presque une couple de ligaments en passant.

Tsé, quand il y a juste la basse qui te réconcilie avec le rythme naturel des choses, ben tu te dis que t’as le choix entre te ploguer des fils blancs en intraveineuse (monitorage au RPM près) ou ben te crisser des autres pis juste danser quand ça tente à ton coeur.

L’autre jour, je vous mens pas, il a tellement jumpé que j’en ai avancé de deux pouces, drette de même là. J’ai crié, j’avais pas le choix. On se fait pas avancer de même par son coeur, dans la vie; me semble qu’on décide le moindrement d’habitude. Là je savais pas trop où il voulait me mener, ça fait que je l’ai pas suivi. J’avais peur de pus juste avancer qu’en sautant.

Moi j’avais envie de me sacrer à terre pis de brailler en me tenant sur mes poignets pis en regardant le béton. En voyant pas le béton. En faisant semblant que je retournais en enfance pis que je savais pus que si je me cachais les yeux pour pus voir, ben le monde existait encore.

J’aime ça le béton. C’est frais, pis ça réveille en clisse quand tu te cognes dessus. Ou ben ça endort, ça dépend des jours.

On dirait que la vie, ça avance par (à-)coups. Des fois ça recule aussi, mais ça a au moins la décence de bipper pour avertir quand ça va le faire. Mon coeur, l’autre fois, il m’a rien dit : il m’a juste précipité dans le vide. Bon, le vide, ça a l’air que c’est relatif, cette affaire-là. Mais pour moi, une craque dans le trottoir, c’est comme un petit vide. Un espace entre deux pas où j’avais pas prévu de piler, aussi. On a les vides qu’on peut.

Des fois on a des pleins aussi. Plein de battage de cage thoracique, genre. Plein d’amour à donner qui se perd à chaque envolée rythmique. C’est plate, parce que là j’ai tellement peur de mon coeur pis de ses humeurs (bileuses) que je me sacre à terre dès qu’il capote.

Pis là, je me tape soit une commotion, soit une crise de braille en voyant pas le béton. Faique au lieu des gens touchés, ben y a juste un trottoir.

J’avance peut-être pus, mais on peut pas dire que je recule non plus. Je fais juste rester là. Encore une couple de beats.

J’ai pas que perdu ma France; j’ai aussi perdu une stabilité, une prise sur le sol ambiant, un peu de souffle aussi. Je suis entrée dans un labyrinthe de couloirs, j’en suis ressortie avec une poignée de sureté qui ne dure que le temps d’une avalée.

Gulp. Ce son dans ma gorge, cette trace d’amertume sur ma langue : la culpabilité d’être malade?

J’ai le vertige d’être si haut, plus haut qu’un arc de triomphe, la tête penchée et secouée par les tours du vent de Montparnasse. Non, ce n’est pas le vin; mon coeur se serre à l’idée d’y gouter, je panique à l’idée de gouter, de quoi que ce soit.

Le voyage part. L’autre départ arrive. Le tournis n’est qu’un symptôme.

Mais quand même le coeur de soi tangue, on ne peut que s’agripper à la rambarde, prendre un grand coup d’eau salée, et se souhaiter le meilleur.

Et si on tourne la tête, on voit les meilleurs des amis, secouant des mouchoirs pour soi. Et on se dit que le parcours est balisé, après tout.

Il n’y aura pas de chute.

Voici le texte prononcé au micro libre hier soir (25 mars 2012) à la soirée Last Chance Slam & Open Mic feat. Sophie Jeukens , présentée par Throw! Poetry Collective au Divan Orange. I was really thrilled (and also scared, I confess) to perform it on stage. It was an experience I’ll definitely try to repeat!

Bubble

C’est rien qu’une p’tite bulle innocente
que tu t’es gonflée
un bloc
qu’est devenue à force de souffler
fort
jusqu’à t’en vider les tripes
until you tripped on… but that’s not to be told yet.

You built yourself a cage out of gum
out of your gums
fell your teeth
une tite fille que tu voulais rester
une tite fille qui a pas besoin d’mordre
une tite chique qui a jus’ un gout d’mort
mais t’es jus’ devenue
une chique qui a pus d’jus.

Tu te pensais invincible
mais tu t’es
tue
et… t’as perdu la voix qui t’distinguait
des échos
you lost your voice that set you apart from
the echoes
t’as perdu la voix qui te distinguait des
échos
echoes
and you became just another pink spot
pis t’es devenue qu’un autre spot rose
une adolescence de plus
de perdue.

10 livres de perdues
rien d’autre de r’trouvé qu’une balloune de tête enflée
qui se cache en dessous d’la mer
de monde
« please don’t see me » you say from your deepest
but your hunger is diggin’ its way out
you’re appearant
t’est épeurante.

Mais
c’tait rien qu’une p’tite bulle innocente
que tu t’étais gonflée
rien qu’une cachette
dans une napkin s’es genoux
c’tait pas un bloc opératoire
au départ.

20 livres de perdues
rien d’autre de r’trouvé qu’une pognée d’ch’veux sur l’oreiller
where has your hair gone?
where has your air gone?
t’as l’air de rien.

Ta balloune a crevé, ma belle
j’sais pas si c’tait l’soluté
ou une coupe de doigts tendus où tu t’es agrippée
you tripped on those feet but you got up
somehow
your trip was over
for now
un nouveau trip pourrait p’têt commencer
un jour
le jour où t’es devenue un autre spot rose
une adolescente en plus
y a rien de perdu.

10 ans de perdus?
tu vas en r’trouver
t’es déjà en train d’infuser
drip by drip
grip by grip

and your voice could finally build up
when you stopped chewing gum
for a living.

Je m’incline sous les charges de travail et décline la fatigue sous toutes ses inflexions.

– Sous mes yeux, des demi-cercles dont les pointes tendent vers le haut, certes, mais qui au fond me creusent et m’évident. Des sourires qui m’évitent… ou plutôt, que j’évite.

– Sous mes cernes, des joues qui se serrent, des dents qui compriment de l’air au rythme des allées… et des allées. Les venues n’en sont que trop courtes.

– Sous mes joues, un cou penché vers l’avant (la fin de semaine) ou vers l’arrière (la fin de semaine) dans une rotation sans fin. Le poids et les craquements, l’éclatement.

– Sous mon cou, des épaules qui se tendent pour le saut, comme si le coeur allait exploser et qu’il fallait s’y tenir préparée. En flottement, l’indifférence.

– Sous mes épaules, une poitrine serrée de caféine et de manque de, puis une poitrine desserrée par le flot – le flux – le chosy chose là. Du mouvement perpétuel.

– Sous ma poitrine, un ventre qui a peur – de lui, de moi, des autres ventres. Des cris. Du prix des choses. Des choses de la vie.

– Sous mon ventre, le rejet de la journée de la femme.

– Sous le rejet, il y a moi. Il y a l’amour tapi qui se manifeste dès qu’il peut, dès que mes yeux sont ouverts. Il y a le sol aussi, et mon chat qui s’y tient à coeur de jour. Il y a des morceaux de coeur que je balaie le matin avec la litière. Il y a tout un réveil à construire.

Je me lève. Bon matin.

Entre haïr et adorer, il n’y a parfois qu’un pas – que dis-je, la largeur d’un pas. À moins qu’il n’y ait la largeur d’une seconde?

Ou encore sa largesse?

Tomas Tranströmer disait se trouver dans « [u]n espace de temps / de quelques minutes de long / de cinquante-huit ans de large » (« Journal de nuit », dans Funeste Gondole, 1996). Plutôt qu’un bassin je me plais à imaginer un puits profond de toutes nos expériences – nous creusons notre vie à coup de dents – et large comme l’instant. Ainsi je bascule la lucidité de Tranströmer et préfère m’emprisonner dans une série de puits du fond desquels la surface n’est peut-être qu’un mirage.

J’exagère. La surface est là, presque tangible puisque je grandis un peu chaque jour – ou encore je refuse de creuser.

De toute façon la hauteur m’a toujours plus plu que la largeur ou la longueur. Ou la langueur, même.

Je divague. Et l’espace est court entre deux puits où poser le pied. Les lignes sont parfois même courbes, les surfaces glissantes. Et si ces instants de lucidité, à tendance optimiste ou pessimiste, étaient ronds, et non anguleux?

Il me semble que je serais bien, au centre d’un cercle aux dimensions du moment. Une bulle confortable où me reposer de toutes ces années passées et à venir, bien calée dans un instant équidistant de tout.

J’ai seulement peur que le recul me rende déséquilibrée. Que je perde le bord.

Que je bascule dans le réel, où rien n’est parfaitement rond ni carré. Où la longueur et la hauteur sont toutes relatives.

Aussi relatives que la lucidité.

There is a hole in my vision. There is an open field for many more words in my perspective.

And guess what? I’m not using it. I’m jumping through this empty piece of me to avoid being trapped; But instead, I’ve trapped myself in a whole process of hide and seek.

What’s that whole life of dissatisfaction and missing parts, anyway?

I’d prefer to have the complete puzzle, unbroken, from the start. Two pieces would be enough for me, thank you very much, I’ve had enough.

A perfect life without headbreaking, that is. But that’s not what I got, nor what you have.

Anytime I start a new day the challenges frighten me to the marrow. Anxiety creeps up my spine and spin my head. I’m longing for these holes in between classes, these holes I’ll be able to step back in.

But then what do I find? Mean times.

Reflexive times, of course, but ô combien scary sometimes. I don’t know how to be whole when I am not working.

Correction: I can BE whole but I can’t FEEL it.

I thought I was lacking time for myself, but I am not. I need space in my mind, space in my body, acceptance of what is, gusto to write. Not just unwork.

That is: I need to make a bigger, deeper hole within me, not in my schedule. And then fulfill it (with thoughts, writings, coffees, loves, pictures, airs, purrs).

I need a whole lot of jigsaws for me to work on.

« Les si n’existent pas. » « Mais si, ils existent! » « Mais non, on dit ‘Mais oui’, ici. »

Avec des si, on va à Paris, c’est connu. Les Parisiens ne peuvent venir au Québec qu’à coups de oui, toutefois.

Justement, et si si et oui étaient des équivalents parfaits?

Prenons le si qui n’aime pas les -rais, celui-là même que je dessine à la craie chaque fois que je veux faire pouffer mes étudiants. Et si celui-là aussi n’était qu’un appel à la vie qui bat?

À la vie qui se débat…

Avec des si, on va à Paris, oui; en fait, on va n’importe où. (On ira pour vrai, du coup, ayant déjà posé ce mot assez souvent pour pouvoir traverser à gué.) Le si a son pouvoir musical, presque, ce pouvoir de rendre une folie possible l’instant d’une syllabe… Prononcé avec les yeux pétillants du oui, il donne envie de se lancer dans l’espoir à pleines dents.

Même le si du regret a son pouvoir imaginatif : du beau matériel à histoires et à leçons, qu’on y retrouve. Mais si j’arrêtais de regretter, tout simplement… Mais si cela m’empêchait de puiser dans ma douleur passée la lumière glauque qui donne l’élan d’écrire?

Et qui donne l’élan de communiquer…

En primeur, je vous lance mes si les plus fous. On se gâte.

– Si je me lançais dans l’écriture sans retenue, avec confiance en mon talent? Si j’allais montrer mon travail à plus de gens?

– Si j’écrivais plus, tout simplement?

– Si je consacrais un peu de temps chaque jour à un projet d’écriture qui me tient à coeur?

– Si j’organisais une lecture de poésie?

– Si j’arrêtais de voir ma situation financière comme un obstacle, et que je comptais mon argent positivement au lieu de négativement?

– Si j’avais confiance que l’argent viendra en quantité suffisante?

– Si je donnais à plus de gens le gout d’écrire et d’apprendre une langue?

– Réciproquement, si j’ouvrais plus mon coeur et que je me laissais toucher/emporter par les histoires des autres?

– Si j’acceptais mon corps, mon esprit, mon âme comme ils sont?

– Si j’acceptais mes erreurs et que je m’en excusais?

– Si j’aimais librement sans avoir peur de perdre l’autre?

Bref, si j’osais…

Le premier pas est fait. Le vide est là, devant moi. Mais si, au lieu de tomber dedans, je me mettais à sauter d’un nuage à l’autre?

Je flotterais, sans doute. Un peu comme maintenant.

Sa vie : un amas de chiffres qui manquent. Une éternelle soustraction, à laquelle ne résistent même pas les ratures dans sa to-do list. Tout doux à son oreille son oeil, le son de sa vie. Car les ellipses ne cachent trop souvent que ses fuites paralysées dans le rien.

Dans le vent, ses fiertés écourtées. Dans le ventre, ses peurs éparpillées. Dans le sang, ses rêves émerveillés.

Elle égrène ses verbes un à un dans son verre de vin, revivant le creux qui se trouve devant ses pieds. Ce creux, elle le connait bien pour l’avoir vécu dans toutes ses aspérités; à dire vrai, elle le redépose dans toute sa splendeur devant chaque matin, pleine d’espoir de revivre la même chose.

Sa vie est un trou en forme de spirale. Un entonnoir qui n’avance pas, comme tous les entonnoirs. La radio qui s’éteint en plein milieu d’une chanson. Un ver condamné à se répéter et à tourner en rond.

Rond, comme un zéro. Bleu. Blanc. Les couleurs du néant, de l’anéantie. Pour elle les chiffres ont chacun leur couleur, et ce, depuis la nuit de ses temps. Ainsi va le monde, pense-t-elle, s’additionnant de toutes les couleurs jusqu’à ce que quelqu’un appuie sur la touche Delete. Ce quelqu’un, ce pourrait être elle, ce pourrait être son chat. Ce pourrait être la personne qui ne se manifeste pas, qui ne disparait pas dans son trou à sa place.

Chaque soir, avant de s’évanouir sous sa couette, elle fait le décompte de sa journée : elle énumère les choses qu’elle n’a pas faites puis, après en avoir conclu à son inexistence, elle se fond dans le sommeil.

Jusqu’à ce qu’un parfum de manque l’attire hors de ses gonds. Saisissant son carnet de rêves, elle le remplit de tâches multicolores, vidant par le fait même ses stylos et son potentiel.

Un jour fera-t-elle peut-être table rase, et sa rage enverra alors valser toutes les couleurs qu’il lui reste.

Qui vient avant l’autre de l’oeuvre ou de l’oeuf? Qui a pondu, est-ce l’oeuvre elle-même qui déboule? En cette période de loteries et de tirages, je me pose trop de questions et j’en oublie l’essentiel.

J’ai un livre à vendre.

Mais comment vendre quand on ne sait plus? Comment aller chercher toute sa conviction de vendeur à commission quand le produit est le fruit de son propre amour-haine, son propre rejeton dont on connait chaque faille par coeur? Comment ne pas pointer chacune d’elles sous le nez des consommateurs, puis comment ne pas craquer?

Quand j’étais jeune (et déjà fort romantique), je voulais publier mon oeuvre posthume. Peur de la critique? Hum.

Mais voilà qu’entre-temps, mon dessous de lit a cédé comme une coquille, et des vagues et des vagues de pages ont profité d’un instant de vanité pour se reproduire.

Sont-ce bien les miennes? Ces pages d’il y a un an ne m’appartiennent plus; elles sont sinon à des mois de moi, sinon à vous et vos critiques.

Plus douces que les miennes, il va sans dire.

Je voudrais déjà avoir les mots ailleurs, mais je dois y perdre la tête et laisser la poule en moi caqueter ces mots :

« Recueil à vendre, recueil à vendre! Le Cahier mauve, designé avec gusto par le Cheval-Marcel, offert en différents tons de mauve, 25 $ pièce. Jeune auteure encore vivante. »

Ne vous y méprenez pas : le résultat est impressionnant. Le design rend superbement compte de mes écrits, et ceux-ci me rendent fière par bouts. Mais j’ai peur de la pérennité.

Aurait-il pu n’y avoir qu’un lancement sans fin, et pas de retombée?

-Merci à tous ceux qui se sont pointés à mon lancement, et à ceux qui ont acheté aussi. Vos commentaires et critiques sont bienvenus quels qu’ils soient. Ma réaction insécure n’appartient qu’à moi. Je tenterai seulement de ne plus la couver.-

Ouin.

Ça me brasse, tout ça. Le Japon est malmené de côte en côte, et je me sens loin. Moi qui écrivais hier sur mes pauses de Japon tout en y pensant… je ne l’avais pas vu venir. Ni le tremblement de terre, ni la forte vague, ni l’inquiétude.

Si, j’avais senti une inquiétude. Ou plutôt, la quiétude d’être ici et pas là-bas. Ce n’était peut-être pas prémonitoire, mais ce pouvait l’être aussi. Peu importe : je ne suis pas assez forte pour bloquer une vague. Elle passerait à travers moi comme une vulgaire émotion. (N’allez pas croire que j’ai quelque chose contre le vulgaire. Plus maintenant.)

Je n’ai jamais vécu de tremblement de terre pendant mes séjours au Japon. Tout était interne. Comme maintenant.

Et je me sens enveloppée dans ma bulle de thé, au 9e étage, seule avec tous les mondes au bout des fils. J’imagine que l’éclaircie sous les nuages est une vague qui va venir m’envelopper davantage. Je vois le béton et la brique de Montréal s’effondrer sous mes pieds. Seule demeure la Biosphère de métal, tel un dôme mémorial.

J’imagine mes amis hiroshimiens en pèlerinage à Tôkyô, savourant toutes sortes de poissons, de foules et de mangas vivants, et j’espère qu’ils s’en sont sortis, avec plein de poissons dans le ventre et de mangas secs dans les poches. J’espère que cela demeurera de l’ordre des souvenirs de voyage dont on parle avec fierté. J’espère mais je ne sais pas.

Et dans de pareils moments de confusion, j’ai envie de citer – tout croche – du Nelligan : « Qu’est-ce que le séisme de vivre? »

Je ne sais pas non plus. Mais quand je m’arrête à penser après ces chocs et séismes, petits et grands, j’ai chaque fois l’impression de mieux comprendre la vie. De comprendre qu’il n’y a rien à comprendre, mais tout à accepter… et, parfois, à remercier.

Surtout quand les seules vagues qui nous poursuivent sont des vagues à l’âme.