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un de ces matins d’eau douce

à la décharge, acharnée

la casse des cheveux

la main comme lien avec soi

je tire arrache un trait

sur le moule à souvenirs,

les peaux cristal des soirs

aux gorges amies chantent

je me retrouve catimini.

mon insula à fleurs de mauve,

les racines en potée en liesse

des patchs de vin à la ronde

il y a dans le bleu perle

des vérités qui s’entremollent

une main sur un chat gris plume

l’autre sur ma tête de repousse.

J’essaie de pleurer, mais ce n’est pas encore le temps de le faire. Les larmes viendront forcément connecter tous ces points de souvenirs et les rassembler en un tout, en une peine retrouvée.

Pour l’instant, je n’ai au coeur que la Noël où spontanément, nos coeurs s’étaient trouvés, et où nous avons fait à l’autre un cadeau – pourquoi moi? pourquoi toi? Je n’ai jamais compris comment les pensées voyagent si bien à l’intérieur d’un réseau de quarante personnes.

Je m’étais rappelé l’anecdote que toute jeune, tu m’avais racontée et que j’avais fidèlement retranscrite pour un obscur cours – peut-être s’intitulait-il « Mémoires de nos grands-parents ». Tu m’avais expliqué ta peur de l’eau – en riant aux larmes, étrangement -, ramenant à la vie d’enfant ta soeur et ce mautadit garçon qui vous avait convaincues de monter dans sa chaloupe pour mieux vous faire peur ensuite en secouant l’embarcation. Je vous imaginais toutes deux en noir et blanc, dans des robes à crinoline tout à fait inappropriées pour la campagne, vous étreignant très fort, la bouche figée ouverte. Et le rictus de ce jeune garçon à la casquette…

Pourtant, tu riais. Comme tu étais naïve… mais cela t’avait tout de même marquée. Et tu le savais. Et tu l’acceptais, n’ayant plus été à l’eau par la suite.

J’avais recopié tout cela de mon mieux afin de te l’offrir en cadeau. Tes propres mots dits en texte, grand-maman. Pas brodés, comme toi seule savait le faire (non, maman pouvait broder son nom, aussi), mais tout de même dignes d’être sur ton mur.

Tu as ri quand tu as ouvert le cadeau. Bien sûr.

Et moi aussi, j’ai ri, quand j’ai ouvert le mien : tu avais terminé de coudre les boxeurs rose avec de gros chiens blancs que j’avais commencés chez toi, sur la machine à coudre que nous n’avions pas à la maison, avec tes précieux conseils. (J’avais tout de même passé mon cours d’économie familiale malgré le peu de coutures effectuées, on ne sait comment.)

Grâce à toi, j’avais les plus laids boxeurs du monde, mais ce n’est pas de ta faute : c’est la coupe qui était ainsi faite.

Par je ne sais quel bonheur, nous nous étions souvenu l’une et l’autre des moments passés entre nous.

Nous nous sommes souvenu des rires. Et nous nous en souviendrons, ne t’inquiète pas.

La dernière fois que je t’ai vue, tu riais encore. D’une couche qui trainait sur le bord de la fenêtre, puis du fait de revoir un neveu pas vu depuis longtemps. Tu l’as reconnu, et ça m’a fait chaud au coeur.

Même si j’ai les larmes aux yeux, j’ai envie de rire. Merci, grand-maman.