Archives des articles tagués attente

parce qu’il ne se passe rien.

je suis l’une des seules vivantes ici la musique est encore matérielle
j’assiste au test de projecteurs-marées comme celles que tu jettes dans mon corps
il est sept heures, le bar n’a pas vu la lumière du jour depuis longtemps
et les spectateurs sont trop visibles, trop individuels encore
ils ne boivent pas, ils sont bus par leurs écrans dévastateurs
outils à poésie ou autres
deux gars replacent leur mèche en popping dans le vide
une femme en sac à dos à pois est trop fan
de rien, pour l’instant
et je me dissimule derrière une paroi de façon à n’être pas vue du bar
je pense à toi et aux endroits où tu repasses sans mitaine rouge à tenir
et je vis dans mon monde-colonne comme celui des autres
contre celui des absents
la poubelle est dans mon champ de vision, étrange
car pourquoi aurais-je un champ de vision ici
et même d’espace pour me casser les cheveux une cent-trentième fois aujourd’hui

j’aligne des images de Peter Doig dans l’espace béton
celui-là c’est l’homme penché à la piscine, mais noir et vêtu
et ce couple discute du jeu de couleurs rectangulaires en renversant sa bière
sur ses chaussures de musée

stag.
nation des hommes
silence
et projecteur sur un peu de fumée blanche, c’est tout

adonis.
ça y est, tu y es
tandis que mes pieds ne font pas mieux que des ombres chinoises
d’acouphènes à la sauce de poisson
de clamato au navet mariné
de wulong vieilli à l’aurevoir pétrole
doux

j’ai une journée dans le corps
et l’envie infinie de danser contre les murs
j’ai l’estomac qui a envie de résonner de beats fauves
et le coeur qui touche tout depuis deux semaines

plus les gens entrent plus je suis seule
plus je suis bien
les colonnes enflent et restent hermétiques
comme seuls les seuls savent le faire
la marée de voyants ne monte plus le niveau est atteint
ça y est.
tu y es
j’y suis.

Je ne serai pas tranquille tant que je n’aurai pas tout avalé : mots, heures d’éveil et de sommeil, morceaux de trottoir râpeux comme une pilule de trop l’été.

Je ne serai pas tranquille tant que je n’aurai pas tout avalé sauf la pilule.

Je voudrais être déjà guérie sans même avoir pris la moindre croquée de médicament. Sans avoir pris la moindre croquée de douleur. (Puisque, semble-t-il, il faut en profiter. À moins que ce ne soit l’apprécier? Le verbe m’échappe alors que la douleur… non.)

Que faire de l’attente? Que faire des trous entre? Qu’est-ce qui est un trou et qu’est-ce qui n’en est pas un? Est-ce qu’un trou est forcément vide?

Ma vie ne l’est pas. Elle est pleine de toutes ces petites impatiences, les fesses douloureuses des chaises, à me peindre des faux-feelings sur le corps du type : I feel left behind, I feel ignored, I feel disrespected, I feel emptied. Je me sens sac, je me sens sale, je me sens la tête en bas.

Le trottoir est proche, donc, et parfois, c’est un bon remède contre le mal de bloc. Ça s’appelle l’homéopathie en grande quantité. Comme combattre un élément (ex. : le chaud) par ce même élément (ex. : le chaud). Ou encore l’homéopathie par l’homéopathie… Non, ça marche pas tout à fait.

J’ai la tête dure et la journée dure à boucler. Mon quotidien est une séquence de choses à avoir faites liées par des marques de frustration.

Des marques de dents? J’en doute. En général, j’avale mes pilules, ça passe plus vite.

Bonne digestion dans le noir.