Le 14 mars dernier a eu lieu la troisième aube des mots-vivants au collège John Abbott. Alors que des cégépiens au crayon en feu se proposaient d’écrire toute la nuit dans une ambiance pour le moins zombie, je profitais de mon titre de poétesse en résidence (gracieusement attribué par Daniel Gosselin) pour gribouiller, jaser avec les invités (dont Simon Boulerice et Alain Farah) et prendre des photos pour alimenter la page Facebook de l’évènement. Je préparais également mon atelier « poésie français/anglais inspirée du rap de Dead Obies et de Loud Lary » (genre, quoiqu’il était simplement intitulé « poésie »), lequel était à 3 h 15 du matin.

À intervalles réguliers entre les ateliers, j’intervenais pour leur lire des extraits de Michaël Trahan, de Madeleine Gagnon, de Yolande Villemaire, de Bertrand Laverdure; je leur faisais rédiger un peu en fonction des poèmes lus; enfin, je leur lisais mes créations rédigées auparavant ou sur le spot. Voici ces deux créations : une suite de haïkus qui font parfois inside jokes, et un poème (retravaillé in brin) avec référence à un canard promptée par Daniel Gosselin et dont on ne se rappelle plus la raison.

 

Haïkus pour des mots-vivants

1.

Kit-kats et jujubes

tout auteur qui se respecte

nourrit son esprit

 

2.

L’amour s’écrit bien

se chante les yeux dans les yeux

dans les yeux d’un autre

 

3.

La pleine lune, pourtant

zombies accrochés aux planches

étudiants, aux textes

 

4.

On vient pour écrire

on repart avec le sac

plein des mots des autres

 

5.

Il fait froid cette nuit

le vent souffle nos barricades

mais les morts n’osent pas

 

Le canard et le camion de plumes

 

Avec ton containeur vivant tu m’as

avancé dedans

un camion de plumes contre

le dos d’un canard

coulant

 

Un camion de plumes fesse-t-il moins fort

dans une cervelle d’oiseau

qu’une enclume jetée par un coyote

de toute la force de la falaise?

Une tonne de plume permet-elle

d’écraser un canard

fait de la même matière?

ou le noie-t-elle seulement

dans un rêve édredon

de rivières sur son dos

qui lui fait tout

le plaisir du monde?

Lorsque la tête de linotte a absorbé le choc

des mots doux renversés

lesquels retient-elle au fond

de son sommeil rouge brique?

 

Elle retient toute la nuit

le même mot, le même x

comme une plume qui chatouille la cire

et a au bout du bec la même goutte de rêve

de viande, de chair

surgissant de sous le tas de plumes

comme un oiseau émergeant

d’une tonne de mots

d’amour qui sonnent

et éclatent les brakes

 

Le canard déchainé

verse la nuit

des larmes

de lacs

et se réveille dans les ailes

de l’autre, camion pimpant

au ronronnement tight

 

dans un seul

respir

sous l’eau.